Le peintre Pierre Bonnard
Parmi les nombreux artistes qui ont marqué Montmartre, Pierre Bonnard occupe une place singulière. Peintre post-impressionniste et cofondateur du mouvement nabi, il développe une approche novatrice de la couleur et de la composition qui influencera profondément l’art moderne.
À la fin du XIXᵉ siècle, alors que Paris connaît une effervescence artistique sans précédent, Bonnard s’installe à Montmartre. Il y fréquente d’autres artistes avant-gardistes et affine son style, à mi-chemin entre la peinture et les arts décoratifs. Il capte avec sensibilité l’intimité des scènes du quotidien, tout en explorant des jeux de lumière et de couleur qui le rapprocheront des fauvistes et même de certains courants modernes du XXᵉ siècle.
Qui est Pierre Bonnard ? Vie et œuvre du peintre.
Pierre Bonnard naît en 1867 à Fontenay-aux-Roses, en banlieue parisienne, dans une famille bourgeoise. Destiné à une carrière plus conventionnelle, il suit d’abord des études de droit et obtient sa licence en 1888. Pourtant, son attrait pour l’art l’emporte rapidement sur les attentes familiales. La même année, il intègre l’École des Beaux-Arts et l’Académie Julian, où il fait la rencontre d’artistes qui marqueront son parcours, notamment Maurice Denis, Paul Sérusier et Édouard Vuillard.
C’est à cette époque qu’il découvre l’œuvre de Paul Gauguin et du mouvement synthétiste, qui prône une peinture affranchie du réalisme et fondée sur la simplification des formes et l’usage expressif de la couleur. Cette approche le séduit immédiatement et influence sa manière de voir la peinture.
Le mouvement nabi et l’engagement de Bonnard
En 1888, Paul Sérusier, après un séjour en Bretagne auprès de Gauguin, revient à Paris avec un tableau audacieux intitulé Le Talisman. Cette œuvre, aux couleurs vives et aux formes simplifiées, devient le point de départ d’un nouveau courant artistique : le mouvement Nabi, un mot dérivé de l’hébreu signifiant « prophète ». Ce groupe de jeunes peintres revendique une peinture libérée des contraintes académiques, où la couleur et la forme doivent avant tout exprimer une émotion plutôt que retranscrire fidèlement la réalité.Les Nabis s’inspirent notamment des estampes japonaises, qui proposent des compositions asymétriques, des aplats de couleurs et une absence de perspective traditionnelle. Ils s’intéressent également aux arts décoratifs et cherchent à abolir la frontière entre les beaux-arts et les objets du quotidien, produisant des panneaux décoratifs, des textiles et des illustrations.
Un Nabi en quête de liberté
Pierre Bonnard rejoint naturellement ce groupe, apportant une touche singulière à son esthétique. Son surnom de « Nabi très japonard » souligne son admiration pour l’art japonais et son usage des aplats colorés et des cadrages audacieux. Contrairement à certains Nabis qui privilégient des thèmes religieux ou ésotériques, Bonnard se passionne pour la vie quotidienne, captant avec délicatesse des instants d’intimité et de simplicité. Il peint énormément de figures féminines, notamment sa femme, Marthe. Très vite, il s’affranchit des dogmes du groupe et développe un style plus personnel. Son pinceau capte des jeux de lumière sur la peau, des scènes domestiques baignées de chaleur et de douceur. Cette recherche de spontanéité et de fluidité dans la composition l’amène progressivement à s’éloigner du cadre nabi pour explorer une peinture plus libre, annonçant les recherches sur la couleur et la lumière qui inspireront les fauvistes et certains impressionnistes tardifs.
De quelle manière Bonnard et Montmartre sont-ils liés ?
Dans les années 1890, Pierre Bonnard s’installe à Montmartre, au moment où le quartier est en pleine effervescence artistique. À cette époque, Montmartre est le refuge des jeunes peintres en quête de liberté et d’innovation. Les loyers y sont encore abordables, et les ateliers, bien que modestes, offrent un cadre propice à la création. Bonnard y côtoie ses amis des Nabis, ainsi que d’autres artistes avant-gardistes qui fréquentent les cafés et les ateliers du quartier, comme le cabaret du Chat Noir ou le café Le Tambourin.
Son atelier devient un lieu d’expérimentation où il perfectionne son art et multiplie les supports : toiles, affiches, illustrations, paravents… Son travail s’inscrit pleinement dans l’esprit montmartrois de l’époque, où la frontière entre beaux-arts et arts décoratifs s’efface peu à peu.
Au-delà de la peinture, Bonnard s’intéresse également à l’illustration et à l’art de l’affiche, un médium qui connaît un essor fulgurant à la Belle Époque avec des artistes comme Toulouse-Lautrec ou Jules Chéret. Il réalise notamment des affiches pour la marque de champagne France-Champagne ou pour les spectacles parisiens, apportant sa touche nabi avec des couleurs vives et des compositions audacieuses.
Ses œuvres témoignent aussi de l’animation du Paris de la fin du XIXᵉ siècle. Il peint des scènes de rue, des jardins publics, des intérieurs bourgeois, mais toujours avec une approche intimiste, capturant l’instant avec une touche de poésie. À Montmartre, il observe les passants, les marchands ambulants, les cafés animés, autant de sujets qui nourrissent son travail et font de lui un véritable chroniqueur de son époque.
Cependant, Bonnard ne se limite pas à Montmartre. Au fil des années, il se détache progressivement du bouillonnement parisien pour rechercher des atmosphères plus paisibles, notamment dans le Midi de la France. Mais son passage à Montmartre reste un moment clé de sa carrière, où il affirme son langage pictural et s’imprègne de l’effervescence artistique du quartier.
Comment Bonnard a-t-il influencé les artistes de Montmartre ?
Pierre Bonnard a profondément marqué l'art du XXᵉ siècle, notamment par son utilisation innovante de la couleur et de la lumière. Son style, qui mêle l'intimité des scènes quotidiennes à une palette vibrante et audacieuse, a influencé de nombreux artistes. En particulier, son travail sur la lumière et la couleur devient une référence pour des peintres comme Henri Matisse et les fauvistes, qui rechercheront eux aussi à libérer la couleur de son rôle traditionnel de reproduction réaliste pour en faire un vecteur d’émotion.
Bonnard explore les effets de la lumière dans ses intérieurs, ses natures mortes et ses paysages. Ses scènes sont souvent baignées d’une lumière douce et diffuse, où l’intensité des couleurs crée une atmosphère de chaleur et de sérénité. Ce travail sur l’éclairage n’est pas qu’une simple reproduction de la réalité : il reflète un état d’âme, une émotion fugitive que le peintre cherche à saisir. Par exemple, dans ses nombreuses peintures de salles de bains et de fenêtres, Bonnard transforme les espaces les plus ordinaires en lieux chargés de poésie et de tension émotionnelle.
L'une des grandes réussites de Bonnard réside dans sa capacité à rendre l’intimité et la simplicité de la vie quotidienne profondément émouvantes et significatives. À une époque où la peinture se tournait vers des sujets grandioses ou historiques, Bonnard se distingue en s’intéressant à des scènes de la vie domestique, aux gestes quotidiens, et à des moments fugaces, comme une femme se baignant, une table dressée, ou un paysage vu depuis une fenêtre. Cette façon de traiter l’intimité influencera non seulement les peintres qui viendront après lui, mais aussi les mouvements artistiques émergents, comme le surréalisme, où l’on retrouvera cette volonté de capter l’étrangeté de l’ordinaire.
Où a vécu Pierre Bonnard à Montmartre ?
Pierre Bonnard a vécu rue de Douai (attention, c'est dans le 9ème et pas vraiment à Montmartre), mais aussi à Montmartre rue Lepic, et a eu son dernier atelier rue Tourlaque à la Cité des Fusains, encore une rue de Montmartre. Pierre Bonnard loue un atelier de 1911 jusqu’à sa mort en 1947 à la Cité des Fusains.
Conclusion
Pierre Bonnard est sans doute l'un des artistes les plus importants à avoir séjourné à Montmartre, même si son influence dépasse largement le quartier. Son passage à Montmartre représente un moment clé dans sa carrière, une période où il affine son style, en particulier sa maîtrise de la couleur et de la lumière, et où il s’imprègne de l’énergie créative du quartier.
Son héritage artistique, notamment dans l'expression de l’intimité et la peinture de la lumière, continue d’influencer de nombreux artistes contemporains. Aujourd’hui encore, ses œuvres restent une invitation à redécouvrir le quotidien sous un angle poétique et lumineux. Pour ceux qui souhaitent explorer cet héritage, Montmartre offre de nombreux lieux où l’esprit de Bonnard et des autres artistes du quartier est toujours palpable.
Retour à la page des peintres de Montmartre