MARIE LAURENCIN


De sa naissance à la rencontre de son premier mentor


Née en 1883 à Paris près de la Gare de l'Est, Marie Laurencin ne connaîtra l’identité de son père qu'en 1913 après la mort de sa mère, Pauline Laurencin.
De 1901 à 1903, elle étudie le dessin avec le peintre Louis Jouas-Poutrel dans une école de la ville de Paris du côté de Batignolles ainsi que la peinture sur porcelaine à Sèvres.
En 1904, elle entre à l'académie Humbert, où enseigne Eugène Quignolot. Elle y rencontrera entre autre George Braque, Francis Picabia et Georges Lepape.

En 1906, dans l'atelier de George Braque, rue d'Orsel, elle fait la rencontre de Henri Pierre Roché qui sera son premier amant ainsi que son tout premier mentor. D'abord formé au métier de peintre, il sera par la suite un grand collectionneur d'art. Il a ainsi aidé plusieurs artistes de talents : Picasso, Marcel Duchamp, Picabia, Brancusi, Man Ray, Jean Dubuffet. avant de devenir célèbre en tant qu'écrivain pour ses romans adaptés au cinéma par François Truffaut : Jules et Jim, Les Deux Anglaises et le continent.


Guillaume Apollinaire et le Bateau Lavoir


Au printemps 1907, elle fait une autre rencontre déterminante, celle de Picasso à la galerie Clovis Sagot qui va l’introduire dans le cercle très fermé des artistes du Bateau Lavoir et surtout lui permettra de connaître son grand amour : Guillaume Apollinaire. C'est Picasso lui même qui jouera les entremetteurs, déclarant à son ami poète « Je t'ai trouvé ta fiancée !». Le courant passa instantanément entre les deux, un amour passionnel et parfois orageux. Mais outre l'attirance physique qui était certaine, ils se vouaient une admiration mutuelle pour le talent de l'autre. Mais ils avaient aussi deux autres points communs: ils étaient tous deux des enfants bâtards et avaient des relations compliquées avec leurs mères respectives très possessives et dominatrices. Elles étaient d'ailleurs contre un possible mariage.

Guillaume Apollinaire sera son guide et l’entraînera dans toutes les manifestations artistiques littéraires pour la faire connaître. Il sera son premier grand admirateur, et lui dédiera nombreux de ses textes et poèmes dont l'un des plus célèbres « Le pont mirabeau » mais aussi « le poète assassiné ».

Marie et Guillaume avaient leurs habitudes à Montmartre, par exemple, ils allaient souvent dîner rue des Saules chez Frédé, au Cabaret des assassins, se donnaient rendez-vous au cirque Medrano et au Moulin de la Galette ainsi que la fête annuelle des Quart'z arts. Elle aura eu ce rare privilège d'être la seule femme peintre acceptée dans la « bande à Picasso » mais sans jamais vraiment y trouver sa place de par sa condition de femme. Consciente de sa chance mais aussi de l'enfermement que cela pouvait lui causer, elle n'adhéra jamais totalement au courant du cubisme car de par son esprit libre et indépendant, elle a voulu suivre sa propre voie et son propre style.

Guillaume et Marie resteront ensemble cinq ans, une histoire qui les marqua au fer rouge. C'est après la parution de son célèbre recueil « Alcools » où figure « Le pont Mirabeau » en 1913 qu'elle quittera Guillaume sans savoir que la grande guerre était sur le point d'éclater et que les jours d'Apollinaire étaient comptés...


Son mariage avec un baron allemand et son exil en Espagne


Lasse des infidélités de Guillaume mais aussi de ce côté colérique et maniaque et d'attendre en vain sa proposition de mariage, elle rompt avec lui, la même année que sa mère décède. Sur un coup de tête mais peut-être surtout par provocation, elle décide de se marier avec un baron allemand qu'elle venait juste de rencontrer : Otto Von Watjen.
Devenue allemande par mariage, elle devra interrompre sa lune de miel sur la côte Atlantique lors de la déclaration de guerre pour se réfugier à Madrid.
Mais une fois arrivée, elle aura du mal à s'acclimater à l'Espagne, déracinée de sa ville natale qu'elle aime tant et de ses amis.
Avec son mari Otto, elle déchantera assez vite et trouvera consolation auprès de Nicole Groult avec qui elle tiendra une correspondance amoureuse. Dès 1916, elle part s'installer à Barcelone espérant retrouver l'inspiration, mais elle peindra très peu. De plus, elle apprendra que Guillaume Apollinaire s'est blessé au front et qu'il est sérieusement blessé à la tempe. Il décédera deux années plus tard de la grippe espagnole.

Son retour à Paris et succès et fin de vie


Il lui faudra attendre 1921 pour pouvoir revenir définitivement à Paris et tout recommencer de nouveau. Ses biens sous séquestre pendant la guerre ont été vendus et elle divorcera dès son retour.
Elle fera sa toute première grande exposition personnelle à la galerie de Paul Rosenberg en 1921 et de nouveau en 1929. Par la suite, elle réalisera des illustrations de nombreux livres, des affiches, des lithographies et signe même des décors du ballet « Les roses et l'éventail » sur une musique de Georges Auric et Henri Sauguet.
Son art à son apogée, on se bouscule pour se faire tirer son portrait surtout la bourgeoisie parisienne. Son sujet de prédilection sont les femmes, délicates, mystérieuses, idéalisées souvent accompagnées d'animaux allégoriques comme la biche ou le chien. Ses portraits ne sont pas ressemblants à ses modèles mais s'y dégagent une aura particulière, quelque chose d'inexprimable. Elle est la peintre des femmes. Elle est bien loin des canons de l'époque, de ces beautés suggestives faites pour plaire au regard de l'homme. Marie montrait les femmes tel qu'elles les voyaient elle, toutes liées entre elles, parfois enlacées mais toujours douces et énigmatiques voir nostalgiques. On pouvait aussi deviner derrière ces visages une grande souffrance mais aussi et surtout une grande sagesse. Les blancs, les roses, les gris, les bleus, le noir profond étaient ses couleurs de prédilection.

Après ses années de célébrité et prospérité vint l'occupation, elle se verra de nouveau réquisitionner son nouvel appartement par les autorités. Après la libération, elle est arrêtée chez elle pour avoir reçu des Allemands pendant la guerre et emmenée au camp d'internement de Drancy. Elle sera libérée 8 jours plus tard par la commission d'épuration et blanchie de toute collaboration.
Suzanne Moreau qui travaillait à son service depuis 1925 deviendra officiellement sa fille adoptive. A sa mort en 1956, Marie sera inhumée au Père Lachaise, non loin de la tombe de Guillaume Apollinaire, son amour jamais oublié avec ses lettres sur le cœur comme cette promesse de retrouvailles.

En 2011, le Musée Monet Marmottan a consacré une très belle exposition-rétrospective à Marie Laurencin.

Pour en savoir plus


Bibliographie : biographie Marie Laurencin de Bertrand Meyer Stabley

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